ça bouge dans la reglementation sur le cuir ! Ce marché, représentant 15 milliards d’euros dans le monde, était encore complètement opaque et sans traçabilité. De nombreuses crises sanitaires, la mise en lumière de pratiques cruelles et des process néfastes pour l’environnement ont généré un durcissement de la règlementation sur le cuir.
Jamais la prise de conscience sanitaire, environnementale, sociale et le respect animal n’aura autant fait avancer la réglementation sur le cuir. Elle aura aussi fait bouger les organismes de certification, pour (enfin!) ouvrir leurs normes au secteur du cuir. On observe pourtant qu’aucune réglementation internationale sur le cuir n’existe en la matière… On peut se demander pourquoi.
Se fournir en peaux
Les conditions d’élevage et d’abatage des bêtes sont très polémiques. Les crises sanitaires (vache folle, diméthylfumarate, etc) ont révélé au public des conditions d’élevage détestables en France ou dans le monde. Des associations Peta, L-214 ont révélé de nombreuses vidéos sur l’élevage et l’abatage des animaux qui posent questions. Mais des questions demeurent quant aux espèces sauvages qui sont braconnées et même des espèces menacées.
Pourtant, dans les années 70, Le Cites* a émis des réglementations strictes sur la chasse. Elle l’interdit dans la plupart des cas, et encadre la pratique de l’élevage. Cette convention a été créée et a introduite comme reglementation sur le cuir la traçabilité unitaire des peaux. Pour les espèces toujours considérées en danger d’extinction par le Cites, le commerce demeure interdit et illégal.
*(Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction)
Le Label européen NATURELEDER a pointé cela. Il a établit des critères dont le premier est l’ interdiction de prélever des peaux sur des espèces menacées ou sauvages.
Le tannage
En 2012 d’ailleurs, la Blacksmith Institute, ONG, qui travaille à réduire la pollution dans les pays en voie de développement, a inclus les tanneries parmi les dix industries les plus toxiques à l’échelle mondiale. Depuis, la règlementation sur le cuir a évolué.
Le tannage est le procédé permettant de rendre une matière organique – la peau d’un animal – imputrescible et résistante à l’eau. Il peut être réalisé à partir de produits minéraux ou végétaux ou les deux. ( détails du process de traitement de la peau ici). Il nécessite l’emploi de tanins minéraux : sels de chrome, sels de fer, sels de zirconium… C’est le tannage au chrome qui est le plus largement utilisé. car le plus rapide ( 24 heures, au lieu de 30 jours pour un tannage avec des substances végétales.
Procédé de tannage
D’abord, les peaux fraîches sont recouvertes de sel puis plongées dans un bain de chrome III. Après, les peaux sont colorées par des teintures. Mais le chrome III ou trivalent qui n’est pas nocif à la base le devient lorsqu’il est associé à d’autres substances. Il se transforme alors en chrome VI ou hexavalent, très allergisant, pouvant même s’avérer dangereux pour la santé. En toute logique, le processus de tannage devrait être très contrôlé à chaque étape et les taux de chrome VI mesurés. Le fabricant contrôle les rejets de chrome VI dans l’environnement et respecte la traçabilité à chaque étape. Il est tout à fait possible de travailler le cuir proprement peu importe le marché.
Le rapport de 2019 du Conseil national du cuir indique que les peaux sont traitées et tannées en Chine, dans d’autres pays ( Inde) et en Italie. Les peaux proviennent principalement des Etats-Unis mais aussi d’Australie. On remarque également que lorsque les peaux sont tannées et traitées en Europe, elles sont en partie destinées au marché européen. le rapport pour en savoir plus
Malheureusement, dans le monde, ces tanneries sont des exceptions, e. De nombreuses tanneries africaines ou asiatiques ne contrôlent pas la présence de chrome VI dans le produit fini, et emploient des ouvriers travaillant sans aucune protection. Mais sans règlementation internationale sur le cuir, ce n’est pas étonnant de voir de telles pratiques.
LA REGLEMENTATION SUR LE CUIR EN EUROPE
Aujourd’hui, toute marque membre de l’union européenne a l’obligation de garantir la totale innocuité de ses produits sur la santé humaine et l’environnement. Le règlement REACH depuis 2007, recense évalue et contrôle les substances chimiques fabriquées ou importées en Europe. Il évolue en permanence.
Il existe, également deux règlements. Ils sont tout aussi obligatoires à respecter que REACh par toutes les sociétés qui veulent mettre des articles sur le marché européen. Il s’agit du règlement 528/2012 sur les produits biocides et du règlement 2019/1021 concernant les polluants organiques persistants (POP). La liste des substances soumises à autorisation par le règlement du Parlement européen et de REACH a grossis par l’ajout du chrome hexavalent. La réglementation ne concerne évidemment que les cuirs produits en Europe. Or, 75 % du cuir qui constitue les chaussures que nous achetons en France proviennent d’Asie. L’ Allemagne, a mis en place une limite de teneur en chrome VI. En France, le taux de présence de chrome VI dans les chaussures n’est pour l’heure pas spécifiquement réglementé. La DGCCRF s’appuye sur une réglementation de teneur en chrome maximalle tolérée pour les gants qu’elle applique aux chaussures.
NATURLEDER
IVN est un groupement d’une centaine de fabricants textile allemands Naturleder. NATURLEDER est une norme européenne. Cette association fait également partie de GOTS ( GLOBAL ORGANIC TEXTILE STANDARD).
NATURELEDER garantit un cuir écologique. En effet, comme mentionné plus haut, le premier critère interdit de prélever des peaux sur des espèces menacées ou sauvages. Les autres critères sont tout au long du process de fabrication : interdiction d’utiliser du chrome pour le tannage mais plutôt des teintures végétales, de l’aluminium, du zirkonium ou du titane Ils veillent à limiter les rejets toxiques. Certains colorants sont aussi interdits. La conservation des peaux se fait par le froid et avec du sel, sans agents chimiques. Ils veillent aussi au respect de critères sociaux, basés sur ceux de l’OIT. Ce label est developpé en Allemagne.
LA REGLEMENTATION SUR LE CUIR DANS LE RESTE DU MONDE
A défaut de règlementation internationale sur le cuir et à part quelques labels ( privés) Oekto Tex, Leather working group, Detox to zero lancé par Greenpeace, le règlement européen Reach (et oui encore lui) s’impose aux entreprises étrangères qui veulent opérer sur le territoire européen. Cela oblige beaucoup d’entreprises non européennes à se mettre en conformité. Il faut savoir que ça n’a pas été vu d’un bon oeil. En effet, certaines sociétés américaines ont même déployé un lobbying intensif auprès de Bruxelles contre REACH pendant 8 ans et ont un temps menacé de porter plainte à l’OMC sur le grief que REACH nuirait à leur liberté économique.
Il n’y a donc pas de règlementation internationale sur le cuir mais il existe des associations devenues internationales incontournables.
OEKO-TEX LEATHER STANDARD
L’association ne certifie pas des cuirs exotiques provenant de crocodiles, de serpents ou de tatous.
Oeko-tex a ouvert la porte au secteur du cuir en 2019. Oeko-tex leather garantit l’absence de substances toxiques pour le consommateur. Le label interdit l’usage d’agents azurants, le chrome VI, le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) et le plomb.
En 2020, OEKO-TEX® a observé diverses nouvelles substances basées sur les dernières découvertes scientifiques et la conformité à des spécifications précises. Cela concerne principalement certaines substances nouvellement classées comme SVHC, qui, selon le règlement REACH pour la protection de la santé humaine et de l’environnement, ont été identifiées comme présentant des caractéristiques particulièrement dangereuses, ainsi que des substances du groupe des arylamines. L’association éxaminera aussi divers colorants, pesticides et composés perfluorés à l’avenir.
STEP
Il signifie Production Textile et cuir durable. C’est un système de certification pour les installations de production. il complète « LEATHER » qui ne s’occupe que de la non nocivité des produits pour l’humain. Son objectif est de mettre en oeuvre sur le long terme des processus de production respectueux de l’environnement de l’environnement, d’améliorer la santé et la sécurité et l’aspect social du travail.
MADE IN GREEN
En 2020, OEKO-TEX a ouvert son label Made in Green à cette industrie. C’est l’étape qui est venue après STEP. Le label englobera désormais les productions textile et cuir testées pour les substances nocives, dans des entreprises écologiquement responsables offrant des conditions de travail décentes.
Made in Green va plus loin en proposant une certification produit par produit. Chacun des produits soumis par les entreprises passe par un processus de tests. Le processus de production est décrypté ainsi que les réalités environnementales et sociales des entreprises y ayant pris part.
Chaque produit labellisé reçoit un code d’identification permettant une traçabilité.
L’extension de Made in Green aux produits en cuir en 2020 n’est pas la seule bonne nouvelle d’OEKO-TEX. Une façon de récompenser les industries ayant de bonnes pratiques et d’inciter les autres à en faire de même. L’organisme a mise en place de nouveaux plafonds en termes de présence de métaux lourds. Après les nitrosamines carcinogènes, de nouvelles substances classées SVHC (pour « substance of very high concern ») par REACH OEKO-TEX les a placé aussi sous surveillance. Ils vont d’ailleurs également se pencher , sur des teintures, sur des pesticides et hydrocarbures etc…
DETOX TO ZERO
Il vise à mettre en oeuvre les critères établis dans la campagne GREENPEACE DETOX dans les usines de production. Cette campagne lancée en 2011 a pour objectif d’exclure les produits chimiques dangereux de la production textile. Il a mis en place un outil d’analyse pour l’optimisation et le suivi de la gestion des produits chimiques et de la qualité des eaux usées.
LEATHER WORKING GROUP
C’est une ONG qui developpe des protocoles d’audit pour certifier les fabricants de cuir d’un point de vue environnemental, d’un point de vue reglementations et des performances. Il s’adresse plutôt aux marques. Mais c’est interessant de savoir que ça existe. Cette ONG a été créee par des marques et des fabricants de cuir, de produits chimiques.
En conclusion, on s’aperçoit que l’accueil de ces nouveaux labels par la profession est basé sur l’incitation des organismes certificateurs à l’amélioration des process et des procédés et à remettre en question ses pratiques. Bien sûr au final, c’est le client qui de plus en plus informé, va devenir plus selectif et exigent et va rechercher des produits plus propres et respectueux. Mais peut-être que ça n’avance pas assez vite dans la rgèlementation sur le cuir, que le mal est déjà fait dans l’opinion internationale.
Il n’est pas étonnant qu’avec l’opacité du secteur, des fabricants et designers aient cherché des alternatives au cuir. C’est dans cette quête que sont apparus les nouveaux cuirs végétaux. Il existe même des cuirs recomposés appelés cuirs recylés ou « synderme »fabriqués à base de chutes de cuir provenant d’industrie.
Pourtant la pression règlementaire s’accroît fortement en Europe, ce qui cree une prise de conscience dans le reste du monde.
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